Interview de Julie Gamper, Neuropsychologue
Qu’est-ce qu’un·e Neuropsychologue ?
Un·e Neuropsychologue est un·e Psychologue spécialisé·e dans l’évaluation et la prise en charge des troubles cognitifs (altération d'une ou plusieurs fonctions supérieures) : c’est à travers des outils, des tests standardisés et validés qu’il·elle va faire l’état des lieux des ressources en termes de mémoire, concentration, fonctions exécutives, attentionnelles, mais également tout ce qui est de l’ordre de la cognition sociale (les interactions sociales, l’attribution d’intention et autres). La prise en charge des difficultés relevées va se concrétiser via les outils de la remédiation cognitive en individuelle ou en groupe. Le bilan à lui tout seul ne suffit pas à bâtir un projet de vie/de rétablissement. C’est un élément parmi d’autre qui va permettre l’élaboration du projet thérapeutique/de rétablissement du patient. Le côté créatif, la réflexion, les interrogations, cette curiosité du Neuropsychologue sont importants : il·elle n’est pas un passeur de tests ». C’est un métier d’enquêteur, le patient a une plainte ou l’équipe a relevé des éléments : comment le·a Neuropsychologue va l’objectiver, quels outils va-t-il mettre en place ?
Comment devient-on Neuropsychologue ?
C’est un cursus de psychologie classique : d’abord la licence en trois ans et ensuite la spécialisation lors du master en neuropsychologie.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir Neuropsychologue ?
D’abord j’ai voulu devenir Psychologue parce que je me posais des questions sur nos schémas de fonctionnement, qu’est-ce qui fait que dans telle situation je réagis comme ça. C’est ce genre de questions qui m’intéressait. Et durant le cursus, assez classiquement en troisième année, j’ai commencé à avoir des cours de neuropsychologie qui m’ont séduite. Et aussi, j’ai lu un livre que j’ai vraiment apprécié et qui m’a intrigué : « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau » d’Oliver Sacks. Le domaine de la psychiatrie : c’était la bonne surprise du parcours, ce n’était pas forcément un choix, c’était vraiment une découverte. Initialement je souhaitais travailler en rééducation et c’est justement la remédiation cognitive et ce qu’elle pouvait apporter à nos patients qui m’ont plu.
Où intervenez-vous ?
J’interviens avec le Centre expert schizophrénie du Haut-Rhin de façon multipolaire mais essentiellement sur les sites de Mulhouse - hôpital de jour et également au pavillon 7/8 de réhabilitation psychosociale du Centre hospitalier de Rouffach. Avec un public d’adultes ou jeunes adultes.
Toutes vos missions vous mettent-elles en contact avec des personnes à accompagner ?
J’ai des missions de formation au niveau des équipes sur différents programmes. Des missions de réflexion sur certains projets, je ne suis pas en contact tout le temps avec des patients mais cela reste le cœur de mon activité.
L’accompagnement que vous réalisez est une évaluation, y a-t-il d’autres rencontres ? Est-ce que c’est un suivi, y a-t-il une durée précise ?
Les deux. Dans le cadre d’une personne souffrant de schizophrénie où il y a nécessité de prise en charge en remédiation cognitive, soit je réalise un suivi individualisé en accompagnant la personne une à deux fois par semaine, soit je vais orienter la personne vers un groupe déjà en place (je reverrai la personne à l’issue de ce groupe pour un nouveau bilan cognitif). Il m’arrive de temps en temps de réaliser des entretiens ponctuels et, étant actuellement en formation en TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales), avec certains patients où l’alliance est bien posée et le contact de qualité, je peux proposer des suivis sur des objectifs TCC (et pas forcément uniquement neuropsychologiques).
Est-ce qu’il y a un message récurrent que vous faites passer aux personnes que vous accompagnez ?
Dans le cadre du bilan : je ne leur demande pas de tout réussir, je leur demande d’essayer de faire de leur mieux, le reste se construira ensemble. La situation de bilan est une situation où l’on est vulnérable : j’essaie d’instaurer un cadre bienveillant et sympathique, que les gens se sentent en confiance, parce que c’est difficile de se mettre à nu, même cognitivement parlant. On doit être confronté au fait que ça ne se passe peut-être pas comme on a envie que cela se passe. L’objectif de construire ensemble est toujours présent même en situation d’échec : rien n'est perdu, rien n'est définitif, le bilan est un état des lieux, c’est une photographie à l’instant T, ce n’est pas prédictif de la suite et des ressources de demain.
Pourquoi en psychiatrie ?
Pour l’apport du Neuropsychologue en psychiatrie. C’est le côté modifiable des troubles qui fait l’intérêt du Neuropsychologue en psychiatrie. Dans le cadre de pathologies chroniques comme la schizophrénie, les troubles cognitifs sont quand même très régulièrement présents. Et l’idée de pouvoir proposer un accompagnement spécifique sur ces difficultés, qui retentissent de façon importante dans la vie quotidienne de nos patients, a du sens. L’objectif est vraiment de pouvoir apporter un éclairage cognitif, mais pas que, sur la cognition sociale permettant vraiment de favoriser les projets de nos patients.
Ce qui est important de manière générale, c’est de transmettre un message d’espoir : avoir des difficultés de mémoire, avoir des problèmes de communication est pénible. Cela a des répercutions mais pour autant cela n’est pas prédictible de l’évolution de la personne au sein de sa famille, son emploi. La personne accompagnée peut avoir l’impression que l’étiquette a été posée, le pronostic est tombé, sa vie est foutue : il y a toujours possibilité d’évoluer et je trouve que ce paramètre est très important parce que nos patients ont perdu cet espoir. Lorsqu’on exerce en psychiatrie, cette notion de positivisme est indispensable.
Un·e Neuropsychologue qui ne travaille pas en psychiatrie accompagne quel type de personnes ?
Il·elle accompagnerait des personnes dans le cadre des AVC (Accident Vasculaire Cérébral), après un traumatisme crânien, des populations gériatriques lorsqu’il y a une suspicion de démence (et si oui laquelle), en rééducation. En addictologie également ainsi qu’au bloc opératoire dans le cadre de chirurgie éveillée notamment (technique pour assister le neurochirurgien afin que l’opération impacte le moins possible le patient dans sa vie quotidienne). Il·elle peut également intervenir sur des protocoles de recherche.